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La Vierge miraculeuse de Sainte-Marie-des-Bois

Une étude du passage, de la transformation : voilà ce qu'est la production franco-belge « Grave ». La transformation des corps évidemment, le passage de l'absence à la présence de la sexualité, du milieu familial au milieu social, Justine va en faire l’expérience. « Grave » est bien un film expérimental dans son sens scientifique. Julia Ducournau veut observer ces changements d'état et elle doit, pour cela, suivre une procédure, celle du bon laborantin. Il lui faut un milieu clos, sans échange possible avec l'extérieur : une école vétérinaire (génial!). Ensuite elle y observe les transformations et les pulsions à l’œuvre chez ses sujets. Pour se prémunir de tout débordement, de tout excès de zèle cinématographique (sortir le petit manuel de scénario), elle enferme solidement le tout dans un genre  : l'horreur, là où seule compte une vision corporelle du monde. À l'image de son homonyme sadienne, Justine passe d'un extrême à l'
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2016

S'raing, pas Seraing

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR Jean-Pierre & Luc Zavatta "Et une comédie, les Dardenne, vous n'y avez jamais pensé ?" Cette phrase, prononcée par Jean-Pierre à l'occasion de la soirée d'anniversaire de Wallimage, est éloquente par son ton : celui de la rigolade. Mais il y a plus éloquent encore : juste derrière, la réaction de Luc, qui lui rigole vraiment. Le moment est assez gênant, et tout y est résumé : d'abord l'incapacité délirante de deux cinéastes à remettre leur système étriqué en question (les frères en sont réellement incapables, le rire en atteste, il sert de bouclier), ensuite un manque criant de lucidité (leur première comédie, c'est La Fille inconnue , ce que pas grand monde a compris). C'est que les Dardenne nous resservent leur petite mécanique pépère, tranquillement désincarnée. Pour des cinéastes réputés humanistes, à l'écoute de leurs personnages et de leurs tracas qu

Femme\femmes

Si l’été, plus que d’habitude, a été marqué par de nombreuse héroïnes, une tendance plus profonde s’est montrée à travers les grands films de cette saison. Nous revenons sur ceux-ci pour montrer comment les personnages féminins s’attachent à déconstruire une certaine idée de la femme, tandis que les métiers du cinéma restent très liés au genre — peu de réalisatrices, les femmes continuant souvent à être reléguées au statut d’acteur, et donc de l’image en tant qu’expression du paraître — quand ce n’est pas une femme elle-même qui revendique l’attribut phallique (il parait qu’être féministe, c’est « avoir du clito »). Car là où, habituellement, la femme, vue par des hommes, se contente d’être une image, un concept privé de toute réalité, en un mot un pur fantasme, les productions (notamment cannoises) de cette année nous donnent à voir des femmes et non plus la Femme. Si la démarche n’est pas neuve et l’énoncé sembler éculé, c’est la profusion de film

La Réalité des Choses

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR Stephan Streker n'est pas le premier et ne sera pas plus le dernier à céder à cette tendance dans le cinéma du « ventre-mou » (films qui ne sont ni des navets, ni franchement bons) : l'autodestruction. Tout comme Yan England, également au FIFF avec 1:54 , qui clôturait son film sur le harcèlement par un suicide habilement habillé d'héroïsme mais pas moins la manifestation du pessimisme ambiant, Streker, lui, gâche tout son travail de compréhension, de finesse et de nuance par un fratricide crapuleux. Sous le prétexte plutôt bancal de vouloir montrer « la réalité » des choses, ces deux réalisateurs en oublient qu'ils font des films et non des recueils de faits divers. Le monde nous immerge et nous coule déjà bien assez. Cette remarque d'un spectateur après la projection de 1:54 : « ce n'est pas une fiction, c'est la réalité, c'est ce qui se passe tous les jours ». Ce dernier s'

Calculs rénaux

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR "JPP" S’il n’était pas si étonnant de le voir ici, à Namur, le découvrir à Cannes a du être une toute autre affaire. Mais que le festivalier de mai compatisse avec celui d’octobre : la séance de Mal de pierres n’était ici pas suivie de Rester vertical , Elle ou Toni Erdmann pour « se pur ifier les yeux ». Enfin, restons sur le (télé-)film, si tant est que ce soit possible vu le vide abyssal dans lequel nous entraine Nicole Garcia (qui réussit apparemment mieux à duper les programmateurs qu’à faire des films). Bien sûr, il n’y a aucune mise en scène, mais il n’y pas non plus vraiment d’histoire : aucun évènement ne vient troubler cette Lithiase rénale qui, dirait-on n’a jamais démarré, le spectateur restant bloqué face à un écran  — et non face un film — où, maladroitement, on a lancé l’idée d’un film sans savoir comment la concrétiser. Mais il faut croire que le sanatorium est vende

Meetin' (again) WA

On est très éloigné des grandes heures de Woody Allen ( Tout ce que vous avez toujours voulu savoir ..., Bananas, Annie Hall, ... à se demander rétrospectivement si ces heures étaient si grandes ... ) mais malheureusement aussi bien loin du surprenant Irrational Man, dernier en date dans lequel on retrouvait des bribes des premières années et à la vision duquel, soyons honnêtes, nous nous en étions payé une bonne tranche. Hélas, Café Society n'échappe pas à la simplicité, voir à la banalité des scenarios signé WA depuis 10 ans, mais derechef, c'est quand même fâcheux pour un humoriste, de n'être pas, à un quelconque moment, drôle.       Évidemment on ne s'ennuie pas. Allen, après plus de soixante films, commence à connaître les ficelles du métier (n'est-ce pas là le plus grand des vices pour un cinéaste ?), mais ce qu'on retient à la sortie de la salle est de l'ordre de l'infiniment petit : Kristen Stewart est toujours plus

Juste la fin du monde

C'est une constante, il n'y a jamais de laissés-pour-compte. L'intimité introspective de chacun des personnages, qu'il nous donne à découvrir est plus que jamais vertigineuse. Ce discours de Louis, en exergue, bien que délicieusement tragique, pouvait laisser pressentir une narration à sens unique de ce lettré et son regard sur sa famille qu'il ne peut comprendre. Or Louis n'est pas le conteur mais celui qui donne la parole. Un à un, ses proches s'y confient et lui, ne peut, ne veut plus rien leur dire, nous dire. Dolan nous fait à nouveau entendre la voix de ceux dont on croit connaître le discours, dont on se détourne par facilité. Ce détournement de douze années, cet isolement peut-être égoïste, Louis ne peut plus en combler les failles. Il préfère le renoncement, l'abandon au combat vain. La jeune Suzanne ne peut s'y résoudre et lutte à corps perdu mais Antoine et Catherine, eux, l'ont compris : c'est trop tard. Il faut se fair

Accanto

   Que pouvait bien donner la rencontre entre une cinéaste déclinant de film en film et la plus géniale des actrices françaises ? Réponse : un Huppert Movie. C'est que, depuis le très beau Tout est pardonné (2007), la mise en scène précise et délicate de Mia Hansen-Love, touchant au plus profond des êtres après l'épreuve de la séparation (tantôt la rupture amoureuse dans Un amour de jeunesse , tantôt la mort - Tout est pardonné et Le Père de mes enfants ) s'étiolait à chaque nouveau film. En 2009, Le Père de mes enfants menaçait constamment de sombrer dans l'entre-soi, malgré un didactisme plaisant quant à sa description du fonctionnement au quotidien d'une boîte de production. Hommage de la cinéaste à son producteur suicidé, Humbert Balsan, le film se sauvait de justesse de l'ornière d'un certain parisianisme, avant qu'une figure virginale (Alice de Lencquesaing, comme avant elle Constance Rousseau, et par la suite Lola Créton)

Quand on a 17 ans

On ne peut pas lui en vouloir, c’est ce qu’il fait. En bon artisan, Téchiné nous revient avec un film classique, psychologue et qui remet sur pied un schème bien connu de l’œuvre du réalisateur mêlant antagonisme, découverte de l’amour sexué et adolescence. Le mouvement a d’ailleurs le mérite de tendre vers une épuration du schéma dialectique : étalé sur les trois trimestres d’une année scolaire — celle des 17 ans —, le film nous présente la confrontation de Damien et Tom.  Ainsi, la séquence d’ouverture nous fait filer le long des routes ensoleillées de la plaine — « domaine » de Damien et sa famille bourgeoise —, et la seconde d’après nous emmène, sinueuse, à flanc de montagne enneigée, celle-là même où Tom tous les matins marche et prend le bus. L’antagonisme est donc posé d’emblée. De manière trop insistante, penseront sans doute certains. Mais au regard de la thématique, sans cesse récurrente chez Téchiné, de la confrontation des opposés, on ne peut que s’int

Beau travail

  En octobre dernier lors du FIFF, la vision de Parasol nous avait profondément écœuré. Nous écrivions dans notre critique du film publiée durant le festival à quel point ce genre de filouterie crapuleuse était intolérable. Surtout, nous misions sur l'intelligence du spectateur devant pareil et triste spectacle, l'un des pires films qu'il nous ait été donné de voir récemment. Or, près de cinq mois plus tard, que voit-on ? Une réception critique sans fausses notes, un concert de louanges. Nous ressentons un profond malaise à constater la cruelle désaffection critique de la presse cinéma wallonne, qui ne semble plus s'adresser qu'à un public relativement aisé, d'un certain âge, pas particulièrement cinéphile. Un public qui préfère aller au cinéma plutôt que le cinéma. Et les cinéphiles - jeunes comme vieux - de se retrouver orphelins, face à des journalistes ne sachant plus faire la part des choses entre la vie telle que montrée à l'écran et c